L’histoire des jardins

1) Les jardins aux temps des bénédictins

Nous savons très peu de choses concernant les jardins du temps de l’occupation des moines bénédictins. La situation exposée du Mont Andaon et le caractère extrêmement minéral du site explique pourquoi, dès l’origine de la communauté, les jardins vivriers du monastère se situaient dans la plaine dite encore aujourd’hui « de l’abbaye ». Aucun document ne nous renseigne sur la présence de jardins dans l’enceinte de l’abbaye au Moyen-Âge.

Seule une planche du Monasticon Gallicanum (recueil de 168 gravures, datant du XVIIe siècle et présentant les vues topographiques des monastères bénédictins appartenant à la congrégation de Saint-Maur) montre la présence d’un jardin régulier d’une grande sobriété. Certains oliviers, dans les oliveraies dominées par la chapelle Sainte-Casarie, ont peut-être été plantés par les moines au XVIIIe siècle mais, là aussi, aucune source historique ne permet de confirmer cette hypothèse, hormis le grand âge apparent d’un certain nombre d’oliviers !

2) 1916-1950 : Création du Jardin Italien

C’est réellement à partir de l’installation à Saint-André d’Elsa Kœberlé et de Génia Lioubow que commence l’histoire des jardins. Dès l’après-guerre, les deux amies décident la création d’un jardin sur la partie basse du site, dominée par la grande terrasse édifiée par les bénédictins mauristes au XVIIIe siècle, sur l’emplacement d’un verger plus ou moins à l’abandon.

Elsa Koeberlé - 1906
Génia Lioubow dans son atelier - 1932

Un jardin d’inspiration italienne est alors créé de toute pièce. Il se compose, longeant la terrasse, d’une pergola soutenue par des colonnes de pierre aux chapiteaux ouvragés. Cette pergola, initialement plantée de vigne et qui supporte aujourd’hui des glycines et des rosiers de Banks, est complétée sur toute sa longueur par deux massifs en banquettes plantés d’iris, l’ensemble ouvrant largement sur un grand parterre, encadré par deux bassins accompagnés chacun d’une loggia de verdure, avec banc et table de pierre.

Ce grand parterre est remarquable par sa forme en éventail, par le soin apporté à son dessin, souligné fortement par une bordure de pierre ornementée de fleurons à motifs divers : fleurs de lys, trèfles, spirales… Le jardin italien, conçu en amphithéâtre, est fermé au sud par une ligne de cyprès de Florence. L’ensemble frappe par son originalité et relève à bien des égards, par la reprise de nombreux motifs décoratifs inspirés du langage propre au Roccoco, de l’esthétique du XVIIIe siècle telle qu’elle a été revisitée par l’Art Deco.Ce souci du raffinement décoratif est visible dans de nombreux détails sculptés présents dans le jardin italien et témoignent de la culture artistique de leur créatrices, toutes deux artistes et lettrées.

Elsa Kœberlé et Génia Lioubow choisissent aussi les statues qui ornent le jardin italien. Au centre de l’hémicycle, Marie-Adélaïde de Savoie, Duchesse de Bourgogne, en Diane, copie d’une statue d’Antoine Coysevox datant de 1710. A l’est, dominant le bassin, une copie d’une statue romaine représentant Polymnie, Muse de l’Art lyrique et de la Rhétorique. Faisant face à Diane, au centre de la pergola, une statue à l’origine inconnue représentant Cérès, déesse de l’agriculture, reconnaissable à sa faux et à la gerbe de blé portée sous le bras gauche. Ce triple patronage de Diane, Polymnie et Cérès souligne et renforce la forte identité féminine de ce jardin, imaginé et créé par deux femmes artistes.

Vue sur la roseraie récemment terminée - 1930
Elsa Koeberlé dans la roseraie - 1930

3) 1950-2013 : L’empreinte de Roseline Bacou

Elsa Kœberlé et Génia Lioubow avaient concentré leurs efforts sur le jardin italien mais avaient à peine touché à la partie haute du lieu, qu’elles nommaient « le jardin sauvage ». C’est Roseline Bacou qui, à partir de 1950 et jusqu’à sa mort en 2013, va s’attacher à mettre en valeur cette grande colline, parsemée de ruines. Sa sensibilité d’historienne de l’Art va la conduire à faire œuvre d’archéologue, en remettant à jour l’ensemble des vestiges de l’abbaye mauriste détruite après la Révolution : dégagement des deux églises, Saint-André et Saint-Martin, des ruines du bâtiment conventuel dominant la terrasse, restauration de la chapelle Sainte-Casarie. Elle accomplira cette œuvre en tâchant d’articuler le végétal et le minéral de manière naturelle, pour conserver à cette partie du jardin son aspect sauvage. Ainsi, ce sont essentiellement des espèces végétales endémiques qui ornent cette partie du jardin : oliviers (Olea europea), pins (Pinus halepensis), lauriers-tin (Viburnum tinus), nerpruns (Rhamnus alaternus), cyprès (Cupressus sempervirens), conférant au jardin sauvage une personnalité puissamment méditerranéenne.

Roseline effectuant une visite guidée - 1995
Roseline surveillant les travaux de la chapelle Sainte-Casarie - 1975

4) Depuis 2013 : Penser l’avenir du jardin

Depuis le décès de Roseline Bacou, c’est toujours sa famille qui s’occupe du lieu et s’attache à le faire vivre. 

En 2016 les jardins ont fêté leur centenaire : un siècle d’histoire des jardins venait de s’écouler à Saint-André. Après cent ans d’existence vient maintenant le temps des renouvellements nécessaires, des cures de rajeunissement ! 

Renouvellement du grand parterre du jardin italien, création du sentier de botanique méditerranéenne, expositions, visites-conférences, commande d’un plan de gestion : tous ces projets contribuent à poursuivre l’écriture de l’histoire des jardins de Saint-André, d’une écriture qui réponde de manière sensible et adaptée aux grands défis de notre temps et des temps à venir.

L'oliveraie - © Olivier Bastide
Le sentier botanique